Dans les années 60 les chercheurs travaillant à la station apicole de Montfavet ont - entre autres - pour objectif de parvenir à la sélection de souches d'abeilles avec un fort accroissement de leurs capacités de production. Pour atteindre cet objectif, Mr Fresnaye est chargé de mettre en place un programme dédié. L'architecture de son programme consiste à sélectionner et élever des lignées raciales les plus pures possibles (au besoin par fécondation artificielle ou en fécondation naturelle contrôlée, comme sur l'île d'Yeu (projet Oya)) puis à réaliser des croisements inter-races pour obtenir des hybrides* (notamment des Ligustica X Mellifera) ou des triples-hybrides qui bénéficieront d'un effet d'hétérosis important. Deux impératifs naissent de ces travaux : d'une part assurer la conservation de l'abeille noire (Mellifera Mellifera) et d'autre part réaliser des études comparatives sur le terrain, en confiant des lignées sélectionnées à certains apiculteurs de France.

1968 est l'année ou le projet "Oya" se concrétise, un apiculteur Vendéen : Mr Myrtil Ouvrard, est volontaire pour cette entreprise, et de la volonté il en faudra ! La mise en place de la station sur l'île d'Yeu se révèle plus difficile que prévu : mise en place du projet trop tard en saison, problèmes logistiques liés notamment aux difficultés de transferts sur l'île, manque de moyens (matériels et financiers) mis à sa disposition, objectifs inatteignables dans le délai imparti, météo déplorable,... La station apicole Oya visant à la conservation et à la production de reines d'abeilles Mellifera Mellifera ne pourra pas être maintenue après 1969... Quel dommage... mais quand même : quelle magnifique aventure !

A la fin du 20ème siècle l'élevage Piana situé en Italie est la référence pour la production des reines Ligustica. Myrtil Ouvrard y fera un stage de formation avant d'intégrer le projet Oya. Il y aura rencontré des conditions d'organisation (main d'œuvre, moyens matériels...) et météorologiques sans commune mesure avec ce qui l'attend sur l'île d'Yeu.

Dans les années 70 l'INRA (par l'intermédiaire de l'ITAPI) fournira à certains apiculteurs - dont mon père - des reines Ligustica de race pure, fécondées artificiellement avec des mâles Caucasiens. Elles seront destinées à servir comme souche de greffage afin que leur descendance (Ligustica X Caucasica) soit fécondée avec des mâles de race noire (Mellifera) locale. Ces reines hybrides produisant pour le coup des abeilles triples hybrides ((Ligustica X Caucasica ) X Mellifera) avec un objectif de productivité maximisé par rapport aux colonies de références... las, ce sera un choc des apicultures...

* J'utilise le terme hybride dans sa définition publiée dans le Larousse : "résultat d'un croisement entre deux variétés, deux races d'une même espèce ou entre deux espèces différentes". Notez également que les scientifiques, spécialistes de la génétique des abeilles utilisent pleinement ce terme.