La coloration varie dans le temps, tendant vers le rouge. Les individus aux yeux blancs ont une vision défectueuse, ils ne sont pour autant pas forcément totalement aveugles. Les mâles aux yeux blancs sont pris en charge par les abeilles comme tous les autres faux-bourdons de la colonie. On observe parfois des mutations partielles comme chez ce faux bourdon (le seul observé dans cette colonie), dont une zone limitée de l’œil droit se trouve affectée. Un autre cas particulier : les individus gynandromorphes, dont certaines cellules (ou organes ou parties de corps) ont des caractéristiques mâles tandis que d'autres ont des caractéristiques femelles. |
La compréhension du pourquoi de la présence de mâles aux yeux blancs dans certaines colonies est une approche intéressante pour assimiler les grands principes de la génétique chez les apis mellifera. Bien que ce ne soit pas le domaine que je maîtrise le mieux, je vais essayer de vous en délivrer une explication. Présentons déjà les éléments suivants : - Les reines possèdent un jeu de 32 chromosomes (deux exemplaires de gènes apis mellifera, 16 en provenance du père, 16 en provenance de la mère). Elles sont dites diploïdes. - Les faux bourdons sont issus d'œufs non fécondés, on appelle cela la parthénogenèse (genèse uniparentale). En conséquence, ils possèdent un jeu de 16 chromosomes (tous issus de la mère). Ils sont dits haploïdes. Ils n'ont donc pas de père (aucune lignée paternelle). En revanche, puisque leur mère a un père, ils ont un grand-père. - Les gamètes (ovules, spermatozoïdes) possèdent un jeu de 16 chromosomes. Ce qui signifie, chez la reine, une scission de son jeu de 32 chromosomes pour n'en garder que 16 dans chacun de ses ovules (chaque ovule est porteur d'une combinaison unique constituée de 50 % des gènes maternels). Chez le mâle, nous avons une sorte de « copier-coller » de son patrimoine génétique intégral, 16 chromosomes dans son jeu et tous présents dans ses spermatozoïdes (tous les spermatozoïdes d'un même mâle sont constitués des mêmes gènes, tels des jumeaux monozygotes). - Les gènes, petits bidules planqués à l'intérieur des chromosomes, sont en fait ultra importants, car ce sont eux qui codent (qui déterminent) les caractéristiques morphologiques (longueur de la langue, puissance des muscles alaires, couleur des yeux…) et comportementales (ardeur au travail, agressivité…). - Certains gènes sont dominants (en présence d'un gène récessif, ce sont eux qui coderont [qui détermineront] et véhiculeront les caractéristiques propres à leur lignée). D'autres gènes sont récessifs (ils ne s'expriment pas en présence d'un gène dominant) ; ils sont notamment issus de mutations génétiques (tout ce qu'il y a de plus naturel, n'allez pas chercher des histoires d'OGM ou de radiations là-dedans, c'est déjà assez compliqué !). Nb : la coloration « yeux blancs » est-elle portée par un seul gène ? - Parmi les multiples gènes récessifs, nous en avons qui donnent une étrange couleur blanche aux yeux. En présence du gène dominant « yeux noirs », ils ne s'exprimeront pas, mais chez un faux bourdon haploïde qui ne possède qu'un exemplaire de gènes, ils ont le champ libre pour s'exprimer et apparaître. On pourra également les voir s'exprimer chez une abeille (ou une reine) qui aura dans son double jeu de chromosomes deux gènes récessifs « yeux blancs ». - On peut présenter la chose ainsi. Un individu possédant (ayant hérité de son ou ses parent(s)) : un gène « yeux noirs » aura les yeux noirs (c'est un faux-bourdon) ; un gène « yeux blancs » aura les yeux blancs (c'est un faux-bourdon) ; un gène « yeux noirs » et un gène « yeux noirs » aura les yeux noirs (c'est une abeille ou une reine) ; un gène « yeux noirs » et un gène « yeux blancs » aura les yeux noirs (c'est une abeille ou une reine) ; un gène « yeux blancs » et un gène « yeux blancs » aura les yeux blancs (c'est une abeille ou une reine). - Pour voir apparaître environ 50 % de mâles aux yeux blancs dans une colonie, il faut que leur mère possède un gène « yeux blancs » (sur les deux qu'elle possède). - Pour voir apparaître 100 % de mâles aux yeux blancs dans une colonie, il faut que leur mère possède les deux gènes « yeux blancs », et ça ne doit pas arriver souvent. - Pour voir apparaître des femelles aux yeux blancs dans une colonie, il faut que la reine possède un gène « yeux blancs », et le faux bourdon reproducteur un gène « yeux blancs », et on ne voit pas ça tous les jours. - Enfin, pour voir apparaître uniquement des individus aux yeux blancs, il faudrait que la reine soit porteuse de deux gènes « yeux blancs », et le mâle de son gène « yeux blancs », et ça, je ne sais pas si je le verrai un jour. L'ensemble de ces éléments étant compliqué à souhait en raison de la fécondation chez les reines d'abeilles par plusieurs faux bourdons qui apporteront chacun un matériel génétique différent, constituant ainsi des sous-familles au sein de la colonie. La parthénogenèse induit une singularité dans la proximité génétique entre individus de la même sous-famille : les « abeilles-sœurs » ont 75 % de gènes en commun alors qu'elles n'en ont que 50 % avec leur propre mère (et n'en auraient que 50 % avec leur descendance si elles pouvaient en avoir une). Leurs sœurs sont plus proches d'elles que leur descendance potentielle : voilà l’une des clefs du comportement ultra-social des apis mellifera (et de l'ensemble des hyménoptères d'ailleurs). Les abeilles ont plus intérêt à aider leur mère à avoir une descendance (abeilles et surtout futures reines qui perpétueront, voire multiplieront la lignée) qu'à chercher à avoir leur propre descendance (du reste impossible). Le fonctionnement de la colonie peut être mieux appréhendé par cette approche, et les soins attentifs tout comme la production et la distribution de la substance nourricière (la gelée royale), socle de la vie des individus de la colonie, se trouvent tout naturellement dévolus aux acteurs « abeilles » de cette société. |